Artiste autodidacte, mélomane et bibliophile, Tàpies n'a cessé d'écrire et de réfléchir sur la condition humaine, sa situation historique et sa pratique artistique, en particulier sur les limites et les contradictions de la peinture. Ses débuts sont marqués par l'héritage des avant-gardes historiques et par ses liens avec le groupe d'avant-garde catalan Dau al Set jusqu'au début des années 1950, après quoi il entame une vaste phase d'expérimentation de la matière - caractérisée par l'utilisation de matériaux étrangers à la pratique artistique, comme la poussière de marbre ou le ciment - qui lui vaut une reconnaissance internationale. Chef-d’œuvre de cette première période, Porta Vermella n° LXXV prêtée par le Fondation Gandur pour l’Art, illustre cette nouvelle incarnation expressive de la matière.

À partir des années 1960, la matière présente dans ses peintures commence à prendre l'apparence d'objets quotidiens qu'il utilise pour créer des œuvres tridimensionnelles. À cette époque, son engagement politique en faveur de l'anti-franquisme s'exprime aussi plus clairement. Seconde œuvre prêtée par la Fondation, Relief ocre sur rose, avec ces profondes incisions en forme de cicatrices, témoigne de la douleur physique et morale ressentie par le peintre en proie à l’autoritarisme.

Le début de la démocratie en Espagne coïncide avec de nouvelles recherches picturales et l'influence de la spiritualité orientale qui donneront naissance à des œuvres plus raffinées et empreintes d'un grand lyrisme. Dans les deux dernières décennies de sa vie, alors qu'un siècle fait place au suivant, un sentiment de nostalgie envahit l'œuvre de Tàpies, avec la conscience de son âge avancé, de la mort et de la maladie comme thèmes principaux.

À travers les œuvres sélectionnées, dont certaines n'ont pas été montrées ensemble depuis de nombreuses années, cette exposition met en lumière la carrière prolifique de Tàpies, resituant son travail et ses influences dans l'histoire de l'art récente.