L'Œuvre du mois


avril 2020 Arts décoratifs

Coffret à décor de putti

Remarquable par l’originalité de son décor et sa prestigieuse provenance, ce coffret typique de la production émaillée de Limoges à la Renaissance rejoindra rejoindra au printemps 2021 le Hampton Court Palace dans le cadre d’une exposition commémorant le 500e anniversaire du Camp du Drap d’Or, initialement prévue d’avril à août 2020 : Gold and Glory, Henry VIII and the French King. Au sein de cet événement reconstituant le luxe et la magnificence ayant accompagné cette rencontre, cet objet évoquera plus précisément les cadeaux diplomatiques échangés entre François Ier et Henry VIII.

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Coffret à décor de putti

Vers 1550
Limoges
Émail peint, rehauts d’or et cuivre gravé doré sur âme de bois
11,5 x 19 x 13 cm
« IE SUIS ARDIR VALIAN : ARDIS » en or sur la plaque d’émail inférieure gauche à l’arrière ; « LE DIEU BACUS : AP[…] S :VALIA » en or sur la plaque d’émail inférieure du côté gauche ; « L[ou J]E […] SANS SUIS. » en or sur la plaque d’émail inférieure du côté droit
FGA-AD-OBJ-0058

Provenance
Collection Famille Canning
Collection Alfred de Rothschild
Collection Almina, comtesse de Carnarvon
Christie’s Londres, 19 mai 1925, lot n° 184
Collection Mr Webster, Royaume-Uni
Christie’s Londres, 18 avril 1989, lot n° 72
Christie’s Londres, 9 février 2012, lot n° 636

Coffret à décor de putti, vers 1550, Limoges, © Fondation Gandur pour l’Art, Genève. Photographe : Thierry Ollivier

Le petit coffret rectangulaire à couvercle trapézoïdal est orné de douze plaques d’émaux peints, sur lesquelles sont représentés des putti, nus ou vêtus, se tenant dans un paysage réduit à une bande d’herbe verte sous un ciel bleu.

Coffret à décor de putti, vers 1550, Limoges, © Fondation Gandur pour l’Art, Genève. Photographe : Thierry Ollivier

Sur les faces principales de la base et du couvercle, divisées verticalement en deux parties par des plaques de cuivre dorées et gravées, ils sont occupés à jouer de la musique, à danser ou à manipuler des pièces d’armes.

Coffret à décor de putti, vers 1550, Limoges, © Fondation Gandur pour l’Art, Genève. Photographe : Thierry Ollivier

Les petits côtés présentent un caractère plus nettement triomphal, avec, d’une part, un char tiré par des putti, et d’autre part, un putto trônant. Ces deux scènes sont placées sous des portraits à l’antique, inscrits dans des médaillons d’où naissent des arabesques, un ensemble de motifs issus du lexique formel de la Renaissance, tout comme les pilastres à chapiteaux corinthiens des angles, terminés par des pieds en forme de bustes de femmes dénudés.

Coffret à décor de putti, vers 1550, Limoges, © Fondation Gandur pour l’Art, Genève. Photographe : Thierry Ollivier
Coffret à décor de putti, vers 1550, Limoges, © Fondation Gandur pour l’Art, Genève. Photographe : Thierry Ollivier

Le coffret de la Fondation Gandur pour l’Art appartient à une série d’une vingtaine d’exemplaires similaires, représentant des « jeux d’enfants » commentés par des devises ou des proverbes en lettres d’or, qui sont attribués depuis le XIXe siècle à Colin Nouailher1. Cette attribution a été mise en doute par Sophie Baratte qui, sur la base d’une comparaison du style de ces coffrets avec celui des œuvres signées de l’émailleur, propose, plus raisonnablement, de s’en tenir à un anonymat2.

Véritables joyaux en soi, ces coffrets étaient probablement destinés à contenir des objets précieux, offerts à l’occasion de fiançailles, de mariages, ou de naissance. La représentation de ribambelles de putti s’amusant à des jeux guerriers, se comprendrait ainsi mieux dans ce contexte, appelant un fils nouveau-né à acquérir courage et vaillance, ainsi que le suggèrent les inscriptions à demi-effacées.

La provenance de ce coffret telle que la rapporte la notice du catalogue de vente est particulièrement prestigieuse3 : il serait passé entre les mains de François Ier, du cardinal Wolsey (mort en 1530), de Henry VIII d’Angleterre, d’Anne Boleyn, et enfin d’Elizabeth, comtesse de Worcester (morte en 1565). Établie sur la base d’un document publié en 1781 dans l’ouvrage de Treadway Nash, Collections for the History of Worcestershire, une telle provenance est cependant incompatible avec la datation stylistique du coffret4. Il est possible que l’auteur de ce document, daté de 1684, Thomas Abington, ait créé de toute pièce cette généalogie, laquelle réserve toutefois d’autres informations intéressantes : le nom des possesseurs ultérieurs, et la transmission du coffret passé jusqu’à lui par héritage, de fille en fille, un processus ensuite réactivé à la fin du XVIIIe siècle au sein de la famille Canning.

 

Dr Brigitte Roux
pour la Fondation Gandur pour l’Art
avril 2020

 

Cette notice a été rédigée pour le catalogue de la collection arts décoratifs de la Fondation Gandur pour l'Art qui paraîtra à l’automne 2020 sous la direction de Fabienne Fravalo, conservatrice de la collection, dans le cadre d’une co-édition Fondation Gandur pour l’Art, Genève et 5 Continents éditions, Milan.

Notes et références

  1. Higgott 2011, p. 220-231.
  2. Barratte 2000, p. 62 et 83-84.
  3. Living with Art, A Private European Collection, catalogue de vente Christie’s, Londres, 9 février 2012, lot n° 636.
  4. Le document original sur parchemin ayant servi à Treadway Nash aux archives du Worcestershire a été retrouvé par Mme Sara Fox qui nous en a communiqué la transcription en 2015.

Bibliographie

Sophie Baratte, Les Émaux peints de Limoges, Paris, RMN, 2000

Davis, C., A Description of the Works of Art Forming the Collection of Alfred de Rothschild, Londres, [Chiswick Press], 1884, t. 2, cité et repr. n/b n. p. n° 172

Suzanne Higgott, The Wallace Collection, Catalogue of Glass and Limoges Painted Enamels, Londres, Trustees of the Wallace Collection, 2011

Treadway Nash, Collections for the History of Worcestershire, [Londres], 1781, t. 1, cité p. 585

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