Expositions


École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) (CH)    5 novembre 2016 - 23 avril 2017

Noir, c'est noir ? Les Outrenoirs de Pierre Soulages

Organisée conjointement par la Fondation Gandur pour l'Art et l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), l’exposition Noir, c'est noir ? Les Outrenoirs de Pierre Soulages suggère de nouvelles pistes quant à la compréhension, la présentation et la conservation d’œuvres d’art

Commissariat artistique : Eveline Notter
Co-commissariat scientifique : Joël Chevrier, Nicolas Henchoz, Mark Pauly et Pierre Vandergheynst

Le projet de commissariat ne relève pas ici d'une exposition classique, mais intègre le nouveau bâtiment d'un campus universitaire qui crée les conditions d'une convergence innovante entre art et science. Cinq laboratoires de l’EPFL et des start-up qui en sont issues ont mis leurs recherches et leurs technologies au service d’une approche inédite de la démarche de Pierre Soulages, figure majeure de l’art abstrait.

Si le peintre français s’est aventuré en Outrenoir, c’est-à-dire au-delà du noir, il recherche avant tout la lumière qui s’y révèle, considérant celle-ci comme une matière.

Grâce à cette confrontation inédite, l’exposition offre une expérience perceptive innovante, à la lisière de l’art et de la science.

L’expérience conduite par l’EPFL+ECAL Lab souhaite révéler la « polyvalence chromatique des toiles monopigmentaires1 » de Pierre Soulages. Entreprise avec le concours du Laboratoire de traitement des signaux LTS5 et de la start-up Gamaya, elle recourt à l’utilisation d’une caméra dite hyperspectrale – appareil habituellement utilisé dans l’agriculture lors de prises de vue aériennes pour examiner l’état des champs et des cultures – capable de capter séparément les différentes couleurs composant le spectre lumineux.
En guise d’introduction à Noir, c’est noir ?, l’EPFL+ECAL Lab invite le public à appréhender le contenu de l’exposition sous une forme immersive et interactive. Il recourt à des dispositifs de réalité virtuelle de plus en plus courants, mais dont la performance technique demeure encore en quête de contenus appropriés – à l’exception des développements notamment opérés dans l’univers du jeu vidéo. L’installation explore comment une immersion visuelle interactive réalisée au moyen d’images de synthèse en 3D peut élargir la compréhension d’une exposition. Le design du dispositif est également central : les lunettes de réalité virtuelle, montées sur un pied fixe, rappellent les jumelles pour touristes, un objet à la manipulation familière. S’inscrivant dans une recherche globale sur les usages de la réalité virtuelle, Into the Black propose une appréhension inédite et sensorielle du contenu curatorial.

Présentation

Les Outrenoirs de Pierre Soulages à la lumière de la science

Il y a dans l’expérience picturale de Pierre Soulages une cohérence remarquable qui tient à une fascination précoce pour la couleur noire – son interaction complexe avec la lumière, ses nuances et ses contrastes. Bien que réalisés à partir d’un seul pigment noir, le noir d’ivoire1, les Outrenoirs créés par le peintre depuis 1979 se distinguent radicalement du monochrome. Ces « toiles monopigmentaires à polyvalence chromatique 2 » couvrent, selon les infinies variations de la lumière ambiante, une palette allant du noir profond au gris, voire au blanc, se colorant même de bleu à proximité de la mer.

L’artiste a précisément forgé le terme d’Outrenoir pour désigner ce « noir lumière », objet d’une quête inlassable depuis près de quarante ans. Tel est donc le paradoxe du noir chez Soulages : si depuis la théorie des couleurs d’Isaac Newton le noir a été considéré comme une non-couleur, absorbant toute lumière, il est au contraire appréhendé par le peintre comme le moyen même de révéler et de conduire cette dernière.

 

Les œuvres de l’artiste présentent des états de surface changeants selon la technique utilisée – l’huile mélangée à une résine acrylique, ou exclusivement l’acrylique depuis 2004 –, l’épaisseur et, surtout, le traitement de la couche picturale. Celui-ci joue en effet sur la juxtaposition du mat et du brillant, ou sur des aplats et des stries produits grâce à des outils spécialement conçus à cet effet. De fait, la puissante structuration de la couche picturale contribue de manière déterminante à la captation de la lumière, dont l’intensité s’apaise ou vibre tour à tour. L’interaction entre un Outrenoir et la lumière incidente ambiante, aux variations infinies – éclairage naturel ou artificiel, reflets alentour – modèle l’espace qui s’étend du tableau au spectateur. L’expérience de la toile se joue en effet dans une relation triangulaire, sans cesse réactualisée au gré des déplacements du regardeur, entre tableau, éclairage et point de vue. L’appréhension spécifique de l’Outrenoir, liée à la diffusion d’un champ lumineux réfléchi par la toile en fonction de l’angle sous lequel elle est perçue, donne au public le rôle d’acteur de l’œuvre. Dans cette démarche de transformation de la lumière dans l’espace, tout concourt en définitive à faire de la lumière une matière.

Vues d'exposition

Pierre Soulages © Photographe : Grergory Maillot

Œuvre en prêt

Pierre SOULAGES
Peinture 202 x 255 cm, 18 octobre 1984
18 octobre 1984